Courage, c'est pas si long xD
......Je suis assise à regarder le vide grouillant de cette ville qui n'en a rien à foutre de moi. J'attends. Autour de moi, d'autres gens prennent leur mal en patience, en face aussi. Ils tapent du pied, regardent à gauche, à droite, se lèvent, soupirent, se rassoient. Moi, je me contente de fixer une affiche publicitaire droit devant. Le bruit me préviendra.
......Soudain les quatre filles anorexiques figées dans leur vêtements trop grands se retrouvent cachées par un corps. Un garçon ? Un homme ? Un jeune homme. Grand, brun, beau. Il ne m'a pas vue apparemment. C'est évident, s'il m'avait vue il ne serait pas venu se pointer juste là où mes yeux se reposaient. Je détourne le regard. Il ne faudrait pas qu'il remarque que je le détaille, il va se croire au zoo – dans la cage – et va me détester sans même me connaître... En même temps, dans quelques minutes je ne serai plus là et ne le reverrai jamais, alors pourquoi ne pas en profiter ? C'est vrai qu'on perd moins de temps à admirer qu'à regarder ses lacets. A part, bien sûr, si on admire ses lacets...
......Dans un courage qui m'apparaît surhumain, je relève la tête, puis les yeux. Il me regarde, tout s'arrête. Mon esprit ne pense plus. Les gens ne grouillent plus, ils ne soupirent plus, je ne suis même pas sûre qu'ils respirent encore. La ville ne peut plus se foutre de moi puisqu'elle n'existe plus, mon devoir de chimie de demain non plus. Mon sac ne me fait plus mal à l'épaule et le monde ne tourne plus autour du soleil. Il ne tourne plus du tout, ou alors autour de nous. Mon cœur bat très fort. Il est vraiment beau et il faudrait peut-être que je ferme la bouche.
......Il me regarde toujours. J'ai envie de crier dans ce silence absolu, j'ai envie de traverser cette route absente qui nous sépare. Je ne fais rien, même s'il n'existe plus rien que cette envie et ce regard gris, qui dure, qui durent...
......Un nouvel élément s'ajoute : un sourire. Timide sourire qui rayonne dans ce néant irréel. Quand on me donne, je donne aussi et voilà une tendre symétrie. Une paix intérieure ne se partage qu'en temps de guerre et justement, c'est la guerre dans ma vie. Il cligne des yeux et pour moi ça veut tout dire, tout ce que je veux savoir est dans ce regard. A présent, je sais tout et...
......Un bruit. De plus en plus fort. De l'autre côté, un bruit que j'attendais, que je vais détester. Puis d'autres. Des pas, de la musique, des soupires. De la lumière autour de lui. Tout se met à bouger, où il est ? Je ne vois plus rien, une masse moche qui avançait vient de s'arrêter devant moi, entre nous. Mon horizon s'arrête à son toit et lui ne vole pas. Des gens sortent, faites qu'il ne rentre pas, faites qu'il reste là... L'objet finit par se déplacer, à gauche, à gauche... Tout droit ? Quatre anorexiques.
.....Je tourne rapidement la tête vers cette forme qui s'éloigne, prise d'une panique déçue. Ce bruit l'emmène loin de moi, ce monde me laisse immobile. J'ai envie de pleurer. Et au lieu de poursuivre ce en quoi j'ai foi, dans quelque minute j'irai exactement dans la direction qu'il ne prend pas. C'est toute ma vie. Aimantée du mauvais côté. Désaimantée en réalité...
......Il n'était pas du bon côté, ou j'étais du mauvais, et je vais me faire une raison : un regard n'est pas une histoire d'amour, un sourire n'est pas un regret de devoir regretter, un visage n'est pas un monde à lui tout seul. J'oublie, ou du moins j'essaie. J'attends, après tout, la ville grouille toujours.
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