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Il n'y a pas de titre, alors si vous avez des idées, dites toujours !
Autre chose : si c'est trop implicite, dites le moi ! Merci !!
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Tu inspires. Cette cigarette te calme. Enfin, l’automatisme, de la fumer, te calme.
Tu es stressée. Assise sur ce vieux banc de métal froid, qui te congèle les fesses. Ton
dos appuyé contre ce mur de pierre, dur, raide. A quelques pas de toi, une cabine
téléphonique. Tu attends. Tu l’attends.
En face de toi, cette petite porte, encastrée dans le mur. Tu la redoutes. Cet endroit
te fait peur. Les gens enfermés là sont hors du monde. Mais lui va en sortir, enfin.
Et puis, un homme. Il s’avance, le long du trottoir, sur la route. Tu te redresses.
Le dos voûté, il tire nerveusement sur son pardessus. Lui aussi a l’air tendu. Tu
l’observes, tu vois mal. Fébrile, perdu, le regard hagard et brillant.
Voilà qu’il te regarde.
Tu baisses rapidement les yeux. Ce n’est pas lui, tu en es sûre. Tes mains se crispent
sur cette cigarette, presque à moitié consumée. Ton cœur bat trop vite, tu n’es plus
calmée. Tu tires encore une fois. Ta bouche au contact du papier te rassure. Te donne
une consistance. Va-t-il t’approcher ? Il te fait trop peur pour ça.
Tu es seule. Tu ne veux pas.
Il détourne la tête. Tu respires.
Tu lèves les yeux, tu t’impatientes. Tu fumes encore un peu.
Cet endroit t’oppresse, les lueurs de la cabine, froides, agressives, crues, te rendent
mal à l’aise. Tu ressens le vent glacé jusque dans tes os.
Il est trop tard, maintenant. Tu attends. Tu espères.
Est ce que la cigarette te réchauffe ? Tu ne sens plus rien. Il fait nuit, il fait froid,
t’en as marre. Cela ne sert à rien.
Ton pied frigorifié tapote le bitume. Tu le regardes. Le mouvement est régulier.
Tu te réchauffes comme tu peux, tu ne fais pas de bruit, tu ne veux pas être
remarquée. Assise sur ce bloc de glace, tu restes là. Tu attends, toujours. Quelqu’un
qui n’arrive pas et probablement, qui n’arrivera jamais.
Tu es presque découragée.
Plus de lumière. Juste devant toi.
- Cécile ?
Ton sursaut a fait tomber ton sac de tes genoux sur le sol. Ta main tremble, ta
cigarette meurt. Tu le ramasses, puis, hésitante, lentement, tu lèves les yeux, implorants.
Il te domine, en contre jour, tu le devines. Ses yeux, que tu pensais fuyants, te fixent.
Tu es toute petite devant lui, tu es insignifiante. Et ton ventre se serre. Tu as peur,
tu n'y crois pas, et pourtant, il est là. Tu ne peux pas t’empêcher de le fixer à ton tour.
Il te sourit, t’invite à le suivre.
D’un bond, tu te lèves. Une cigarette sortie. Tu ralentis l’allure, pas lui. Il faut que tu
le rattrapes. Tu allumes ta cigarette, tu cours.
Tu ne le connais pas, mais c’est tout comme. Tu l’avais tellement imaginé, il est encore
mieux. Et quelque part tu as raison. Tu lui ressembles. C’est ton père.
Il a l’air doux, prudent, peut-être même sur sa réserve. Il te regarde marcher à côté de
lui. Toi aussi, tu l’observes, à la dérobée. Tu es curieuse de lui. Si tu osais, tu briserais
la glace. Tu lui poserais des questions, sur sa vie, avant.
Il dénoue son écharpe, te la donne. Il ne fait plus froid. Timidement, il te prend la main.
Vous savez tous les deux que tu n’as plus l’âge. Pourtant si, face à lui, tu n’es qu’une
petite fille, tu es si timide, tu es heureuse.
Le soleil se lève, et pourtant il fait nuit.
Il serre ta main, fort, ne te lâchera jamais plus. Ses erreurs restent au passé, il se battra
désormais pour toi. Il n’osait pas espérer de te trouver là, en face de cette petite porte.
Tu as toute la vie pour apprendre à l’aimer.
Il a toute la vie pour toi. Il t’aime déjà depuis des années.
Et te voilà
Cécile ma fille
Et te voilà et me voici moi
Moi j'ai trente ans toi six mois
On est nez à nez les yeux dans les yeux
Quel est le plus étonné des deux ?Claude Nougaro
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