Premier texte que je poste ici.
J'espère qu'il vous plaira.
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Elle se berçait souvent d'illusions comme elle se déhanchait sur des ivresses fades qui ne l'emmenait pas bien loin. Ce soir les étoiles brillent haut, plus haut que d'habitude, et pourtant la nuit est noire et silencieuse. Pourtant, entre ces rues sans nom où les chiens galeux viennent pour crever, on semble entendre les derniers sursauts d'un coeur qui se brise. Comme un ballet, trois temps et le palpitant s'emballe dans les méandres des doigts filandreux de la jeune fille.
Penchée sur le corps glabre de son amant, la jeune fille elle a les yeux clairs et les cernes mortifères. Mais si l'on s'approche bien, bien trop près, on peut voir que dans son sourire scintille encore des restes d'espoir au coin de ses dents. Son rire enfle et s'élève dans les cieux de Décembre, s'envole comme une montgolfière bourrée de rêves à rabord. Le véhicule atteint les nuages avec pour seule flamme, celle qui s'éteint dans ses viscères.
Ce coeur qui bat entre ses doigts, c'est comme un cadeau qu'il lui a fait. Lui, c'était le genre de mec qui faisait un peu peur, celui qui frappait sur les petits à la récré, celui qui tirait les cheveux, soulevait les jupes et les coeurs. Lui c'était la cicatrice sur la joue gauche, c'était les coups donnés par son père à la maison, c'était la dent de devant un peu cassée et le charme que l'on ne devinait que lorsqu'on passait un peu de temps auprès de lui. Ce soir il a demandé à ce qu'elle le tue, qu'elle le fasse souffrir, qu'il sache enfin ce que c'était la véritable violence. Au début, elle a refusé. Parce que cette fille, elle s'appelle Prudence, la bien nommée. Elle a cette allure virginale qui inspire le danger imminent de la chute de l'amour. Rien n'est plus simple. Ces grands cheveux bruns qui ondulent sur des épaules trop frêles, où papillonnent, légères, des tâches de rousseur. Sa poitrine est souvent cachée par de larges robes arrivant à mi-genoux, noires et violettes, peut-être même rose quand le soleil cogne et qu'elle a envie de sourire aux passants.
En bas de la rue, Ismaël lui a donné un grand couteau, qui brillait autant qu'la lune. Quand Prudence a vu ça, ses os ont fait des castagnettes, la vierge a tremblé mais n'a pas flancher. Pourtant ce mec elle l'aime, jusqu'au plus profond des moindres interstices de son foutu esprit en bordel. Prudence aimait la façon qu'il avait de lui offrir des fleurs tous les jours, et chaque jour différentes, orchidée le lundi et rose sang le samedi, elle aimait sa façon d'hurler à la lune quand ensemble ils arpentaient les rues vides de Paris, quand aux fenêtres, les gens gueulaient parce qu'ils voulaient dormir. Lui les gens, il les regardait avec un mépris, un foutu mépris, qu'elle n'avait jamais vu ailleurs que dans ses pupilles sombres. Il crachait dans l'air en espérant les atteindre, mais rien n'était plus beau que la tristesse qu'il inspirait, qu'il expirait, à grosses bouffées.
Prudence elle s'est approchée d'Ismaël, ils ont échangé un dernier baiser, plein de fougue et de salive parfum vodka, une dernière fois elle s'est collée contre son torse maigre et rempli de bleus, une dernière fois il l'a regardée avec des larmes au bord des cils, parce que Prudence elle est belle, et il sait qu'il ne la reverra plus. La fille aux longs cheveux bruns qui ondulent, elle plante le couteau dans le ventre de son amant, dans sa belle chemise blanche tout propre qui sent la fumée d'cigare et l'abricot. Sa peau fait comme une aquarelle, et déjà les mains de Prudence s'empourprent de sang. Elle fait un va et vient, elle s'imagine sur une balançoire, elle monte, elle descend, elle monte, elle descend, sous le nombril d'Ismaël elle creuse une tranchée d'amour, une tranchée de toujours qui s'étalent sous la lame. Il a pas le temps d'hurler, juste le temps d'un ultime regard vers son visage aux yeux clos, cette bouche entrouverte, entre ailleurs et ici. Sous ses doigts il s'écroule sur les trottoirs de Paris et en face, la Tour Eiffel fait une drôle de tronche. Prudence attend son dernier souffle, et allonge lentement son corps au sol. A califourchon sur son corps encore chaud, elle lui sussure des mots d'adieu à l'oreille, pourtant elle déteste ça. Elle préfère les bientôt. Elle mord ses lèvres, ferme les yeux morts d'Ismaël.
Elle marche elle déambule, ses pieds nus foulent les papiers gras et les tracts révolutionnaires. Les canons tirent dans son coeur, elle a envie de chanter et de chialer et de mourir et d'enfin vivre libre. Mais tout ça n'a foutrement pas d'importance. Elle arrive dans cet hôpital, Prudence elle le connait pas coeur.
- Mélanie ? Le docteur n'est pas là ce soir chérie...
L'infirmière est gentille, et a toujours des bonbons pour elle.
- Chut ! Non, ce soir, je m'appelle Prudence. Pru danse, pru dense, prude anse. Aha. J'ai tué pour l'amour, j'ai tué il me l'a demandé. Je veux ma chambre, je veux mon grand lit, je veux qu'on m'attache. Je l'aimais, je l'aimais, je l'aimais, mais je l'ai tué, lalalalalalalala...
Prudence, pru danse, pru dense, prude anse, Mélanie, elle est emmenée dans sa chambre, la camisole l'attend, la bien aimée. Elle s'allonge et sans sourciller, elle parle aux étoiles collées à son plafond. Ismael, est-ce que tu seras là ?
