Parfois, c'est aussi con.

J'attends devant cette porte,
Des fleurs à la main.
Mon costume repassé
Sur mon coeur froissé,
Ma coiffure appliquée
Sur ma tête embrumée,
Mon sourire assuré
Sur mes lèvres tremblantes,
Ma cravate attachée
Autour de ma gorge nouée
Par laquelle vont s'échapper
Tous ces mots
Bien trop longtemps
Restés prisonniers.
Mon bras se tend,
Mes doigts se détendent
Et s'approchent dangereusement
De la sonnette bruyante,
Dans le décor silencieux
De l'endroit encore invisible
Où tu te tiendras sous mes yeux,
De toi, cachée,
Que je vais découvrir
Pour la énième fois
Avec un soupir émerveillé.
Sous mon air terre à terre,
Ton visage angélique
Et tes courbes magnifiques
Qui sauront m'emporter
Dans un autre univers.


Et en sursautant,
A cause de la sonnerie,
Je souffle un gros mot
Et je m'approche de l'entrée
En traînant des pieds.
Qui peut venir me déranger
Devant mon film préféré ?
Puis je rêve avec envie,
Dans mon esprit désespéré,
Que c'est peut-être toi
Qui aurais pensé à moi.
Je me prends à croire
Que l'incroyable existe,
Que tes pieds
T'ont mené sur mon seuil,
Que tu t'es enfin décidé
A ce que ton premier pas
Porte ici ton dernier.
Je lève les yeux au ciel,
Moi, athée éternelle,
Qui prie tous les dieux,
Auxquels je ne crois pas,
Pour que ce soit toi.
Enfin arrivée.
Pourquoi
N'ai-je pas de judas ?
Le suspens demeure
Il devient saisissant
Et très vite intenable.
Je vérifie ma tenue
Et saisis la poignée
Que, lentement,
Je laisse glisser.


Le moment fatidique
Est enfin là.
Mes yeux brillent,
Mon cœur fébrile,
Une cloison
La sépare de mes bras,
Et bientôt
Il n'y plus que l'air,
Et sa décision,
Qui font obstacle.
Tout d'abord,
En t'apercevant
Si déboussolée,
Je ne m'en sens plus capable.
Puis une force imparable,
Venue du plus profond de mon âme,
Me pousse à prononcer,
Tout en te tendant ces roses,
Cette prose :
« Depuis que je t'ai aperçue,
Chaque jour je remercie le ciel
De t'avoir créée,
Car il a suffi d'un regard
Pour que tu m'ôtes de la vue
Tout ce qui n'est pas toi,
Pour que tu me rendes sourd
De tout ce que tu ne dis pas,
Pour que tu chasses de ma tête
Toutes mes pensées noires.
Chaque heure je lui demande
De m'amener près de toi,
Car à chaque instant
Je te voudrais près de moi.
Ce n'est pas de l'amour,
C'est bien plus fort,
Et si ces mots
Te semblent de trop,
Je ne sais quoi te dire,
Et si je te fais peur,
Avec mes fleurs
Et mes paroles de cœur,
Tu dois me le dire. »


Je crois rêver,
Enfin une réalité
Qui me plaît !
Mon cœur fait des bonds,
Et ces roses sentent vraiment bon.
Le futur,
Je l'envisage,
Faut-il encore
Que je trouve le courage
D'à mon tour t'avouer
Ce qu'en silence
Tout mon corps te crie.
Je sors alors
Un « euh, je.. » pathétique,
Et ton visage s'assombrit.
Un deuxième essai
Doit alors s'imposer.
« Je ne sais quoi répondre,
Car aucun mot ne convient.
Mes sentiments
N'ont pas de langage.
Je t'aime,
Ne veut rien dire,
Je t'aime,
Ne suffit pas. »
Puis je continue,
En m'approchant lentement
De ton visage.
« Mais peut-être
Que si je fais ça,
Tu me comprendras. »


La suite est la leur.
Vous ne la connaîtrez pas,
Mais je crois que vous pourrez
Facilement la deviner.
A deux sur un même paillasson,
Le bonheur peut vous emporter,
Là, sur ce palier,
Un ange est passé,
Et deux autres sont nés.