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Je voudrais tant m’évader comme un prisonnier
À mes risques et périls, me lancer dans une aventure sans fin,
Me noyer dans l’incompréhension d’une histoire oubliée.
Ma vie changerait enfin de refrain,
Serait ponctuée de mystères et de vérités appréhendées.
Je me contenterai de suivre mon instinct.
Je voudrais tant connaître cette excitation euphorique
Celle que seuls les plus grands héros ont eu la chance de vivre,
Ceux aux cœurs courageux et aux destinées tragiques.
Mon esprit entier en deviendrait ivre,
Ne pourrait plus se passer de ces instants magiques.
Je saurai alors ce que c’est que d’être libre.
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CHAPITRE 1
« Je suis ta maman »
.....Emilie Tournefeuille se sentait légère. Elle se trouvait sur un lit confortable aux draps blancs parsemés de fleurs aux tiges grises et aux pétales violets. Son dos était appuyé sur une accumulation de coussins moelleux si bien qu’elle était presque en position assise. La chambre était petite mais chaleureuse et douillette, des poufs, des fauteuils et des coussins à même le sol étaient éparpillés un peu partout, dans un bazar organisé. Une vieille armoire en bois sombre était posée dans un coin, une clef était accrochée à chacune des portes du meuble, mais on devinait qu’il n’était pas fermé et que rien d’important ne se cachait à l’intérieur. Sur une petite table basse placée juste devant le lit, un vase bleu pâle contenait des tiges de lilas fraîchement cueillies qui semblaient jaillir du pot tel un feu d’artifice mauve et qui répandaient leur agréable odeur du parquet usé jusqu’au plafond aux moulures qui représentaient simplement des vagues. La grande fenêtre avait été entrouverte et un vent doux s’immisçait avec délicatesse dans la pièce, faisant onduler les rideaux beiges, presque transparents. Une lumière claire s’en échappait et donnait l’impression de faire rayonner les murs blancs.
.....Cet endroit paisible semblait filtrer les maux du monde pour ne laissait rentrer que ce qui possédait une certaine pureté. Rien qu’en regardant le tableau qu’offrait la chambre, il paraissait impossible d’avoir de mauvaises intentions une fois à l’intérieur. C’était comme si elle dénuait tout âme de ce qu’elle possédait de vices. Le bonheur, la paix, la chance, tous ces sentiments si vagues, si difficiles à cerner, toutes ces choses après lesquelles certains hommes passaient leur vie à courir, flottaient dans cette pièce, dansaient en riant autour de la jeune fille qui se sentait heureuse comme jamais elle ne s’était sentie.
.....Son visage pâle mais souriant et ses yeux noisette et pétillants s’abaissèrent lentement et la joie qu’elle ressentait se démultiplia quand son regard se posa sur ce petit être potelé qui dormait calmement dans ses bras. Emilie le serra un peu plus fort contre elle, le cœur du bébé battant à l’unisson contre le sien, lui inspirant un bien-être indescriptible.
.....Enfin, il était arrivé. Enfin, elle pouvait le voir, le toucher, ne plus se contenter de quelques secousses dans son ventre. Maintenant elle pourrait lui donner tout son être, se dévouer corps et âme à lui rendre le bonheur qu’il lui apportait. Elle allait être une vraie mère, dévouée, attentive, généreuse, aimante. Chaque geste de sa vie quotidienne deviendrait un instant de magie, le moindre clignement des yeux de son fils serait une chose extraordinaire. Son premier mot, ses premiers pas, ses premières histoires d’amour, son mariage peut-être, et elle deviendrait sûrement grand-mère ! L’avenir s’étalait devant elle comme un paysage ensoleillé, de lointaines contrées fleuries à découvrir, courant dans l’herbe main dans la main avec son fils.
.....Elle ne savait pas que le cœur d’une femme était capable d’aimer à ce point. Elle se demanda si sa propre mère l’avait aimée avant de l’abandonner lâchement. Non, pensa-t-elle en fronçant les sourcils, une perle de douce amertume et de colère triste naissant au creux de son œil, jamais elle n’aurait fait une telle chose si elle avait éprouvé envers sa fille ce qu’Emilie éprouvait envers le bébé qu’elle venait de mettre au monde. Elle se pencha alors vers le petit garçon blond et déposa un baiser sur son front. Elle le sentit tressaillir au contact de ses lèvres sur sa peau et elle murmura alors à sa petite oreille rose :
.....- C’est moi, Lucas, je suis ta maman.
Au son de la voix, l’enfant ouvrit doucement ses yeux. Ils étaient étonnement grands et d’un bleu si profond, si envoûtant que la rancœur qu’Emilie avait ressentie l’instant d’avant s’était enfuie en courant pour laisser place à une fierté grandissante d’être la mère de ce si joli bébé.
.....Il la regarda alors, intensément, il plongea son regard azur dans les yeux plus foncés de sa mère qui crut presque qu’il voulait lui faire passer un message. Elle sourit et étouffa soudain une exclamation.
.....- J’allais oublier ça, murmura-t-elle en se penchant vers la droite.
Elle tendit alors sa main vers la minuscule table de nuit de bois clair qui se trouvait juste à côté d’elle. Elle ouvrit le tiroir avec hâte et y chercha à tâtons une petite boîte noire et douce car couverte de velours. Quand ses longs doigts fins tombèrent enfin sur l’objet désiré, elle esquissa un sourire et l’amena à la lumière, à quelques centimètres seulement de son visage. Combien de fois avait-elle imaginé la scène ? Elle se réalisait enfin et tous les gestes qu’elle avait prévu de faire, tout le discours qu’elle s’était entraînée à dire lui parurent insignifiants. Elle se contenta de suivre son instinct et de simplement ouvrir la boîte en la présentant dans un même mouvement à son fils toujours éveillé. Un éclat de lumière lui fit fermer les yeux et pousser un petit gémissement et Emilie se sentit idiote d’avoir était aussi maladroite : le soleil venait de faire briller une petite gourmette en or d’à peu près quinze centimètre de diamètre. Les maillons étaient fins et élégamment enlacés les uns aux autres, on sentait que le créateur avait passé du temps sur l’objet. Sur la petite plaque qui se trouvait au centre de la chaîne était gravé le nom de l’enfant avec de jolies lettres, choisies avec soin : Lucas Tournefeuille. Elle retira alors le bijou de son boîtier qu’elle reposa dans le tiroir, et l’enroula autour du minuscule bras du nouveau-né. Elle activa doucement la fermeture du bracelet, prenant garde à ne pas pincer son fils, puis le contempla une nouvelle fois. Voilà, tout était parfait, strictement parfait, exactement comme elle en avait rêvé durant neuf mois.
.....Emilie songea alors que c’était le plus beau jour de sa vie. Oui, elle n’oublierait jamais ce 18 juin… Et elle ne croyait pas si bien dire…
Oui, c'est niais, mais c'est le début.