Je le reconnais, je n'ai jamais été très franche avec toi. Mon sourire, c'était du toc. Tu sais, un de ces artifices obligatoires que chacun est forcé d'afficher en toutes circonstances ; politesse oblige, évidemment. C'est le prix à payer pour ne pas être pris pour un fou. Ce sourire en coin que tu aimais tant... c'était rien qu'une contrefaçon de plus, tu vois. Fabriquée de toutes pièces, morceau par morceau. Certifiée conforme à la règle dominante. Plutôt ressemblante, il faut bien l'avouer. Tellement bien imitée, que tu y as cru au point même de m'aimer. Quelle erreur... Ma joie était feinte, mes lèvres ne taquinaient mes oreilles que pour respecter les convenances d'usage. Ces éclats de rire bruyants, ma bouille d'ange heureux, c'était du pipo ! Qu'est ce que tu croyais ? Rien que du vent ! Un petit numéro que je jouais avec toi. Un masque que je portais fièrement, sans rien laisser transparaître.... Jamais.
Je t'ai bien eu, pas vrai ? Ma poudre aux yeux, tu y as cru. Tu t'es laissé prendre au piège sans opposer la moindre résistance. C'était trop facile, bien trop facile. Pathétique à en pleurer. Chaque geste tendre n'était qu'un mensonge de plus. Et mes baisers étaient loin d'être aussi doux que ce que tu croyais. Mes lèvres, à chaque fois qu'elles se posaient sur les tiennes, se tordaient de douleur, tu entends ? Mes tendres lèvres dont tu aimais goûter les charmes, elles étaient amères en t'embrassant, si amères ! Si tu savais... mes mains auraient aussi pu bien te griffer de hargne, mon amour.
Rends-toi à l'évidence : je suis une imposture, inventée de A à Z. Une image fictive qui met du baume au cœur. Celle que tu voulais bien voir, à qui tu as donné toute ta confiance sans aucune retenue. Celle pour qui tu as accepté de te débarrasser de ton filet de sécurité. Cette putain de métaphore mielleuse qui fait fondre les cœurs ! Il t'a plu mon petit numéro d'innocente jeune fille au lyrisme langoureux ? Avoue que tu aimais plonger dans mes yeux profondément bleus pour t'y noyer. Mon amour inconditionnel, mon cœur pur, mes allures de personnage de conte de fées, dis mon ange, ça t'a plu ?
Mais tout était faux ! Tout. Tout ça est fini, le rideau est tombé sur moi. Je n'ai plus la force de jouer. Je ne suis pas celle dont tu rêves, je ne l'ai jamais été. Toutes ces paillettes, ces artifices ridicules, ces illusions dorées, ces mots doux murmurés douloureusement... c'était pour tes beaux yeux, pour te voir sourire... Pardonne-moi. Si je t'ai menti sur toute la ligne, c'était pour te plaire, pour t'offrir l'amour que tu méritais... Mais, putain, qu'est ce que ça fait mal quand je vois que tu crois m'aimer ! Je ne le mérite pas. Je n'ai plus la force de le supporter. Je croyais être capable, pour une fois, de te rendre heureux... Mais j'ai oublié qu'un bonheur falsifié était non-recevable... J'ai voulu te donner ce qui existait de mieux, je n'ai réussi qu'à nous faire du mal...